
6h45 – A630 direction l’océan.
L’aire d’autoroute est pleine à craquer, à peine une place pour se garer. Ça râle, ça s’exaspère, mais pas longtemps, c’est vrai qu’on part en vacances finalement. Les yeux sont petits, plissés, les réveils ont été avancés de quelques heures pour échapper aux embouteillages d’un samedi de juillet.
Il y a Brigitte qui a du mal à émerger, adossée à sa voiture avec son gobelet en carton dans la main, les yeux gonflés comme ses cheveux, elle a fait une permanente avant de partir pour être tranquille tout l’été. Elle regarde droit devant elle, on pourrait penser que c’est pour admirer le lever du jour, mais c’est juste qu’elle fait la gueule à Bernard. Oh, ça va passer, ils se sont juste couchés un peu trop tard pour boucler les dernières valises, alors tout est motif à se chipoter.
Survets, baskets et maillots floqués il y a Kevin, Jordan, Antoine et Wassim qui tètent leurs cafés comme des biberons, leurs mères les ont laissé s’envoler pour leurs premières vacances avec l’impression que c’était hier justement, les biberons. Ils ont eu peur que ça leur passe sous le nez, avec le covid ils ont déjà bien morflé toute l’année, aucune soirée étudiante et tellement peu d’amourettes, alors là ils sont remontés à bloc. A quatre dans la Clio c’était un peu chaud, mais au final un short de bain et un tee-shirt qui fait bien pour sortir, ils n’ont besoin de rien de plus.
Carole et Pierre se sont arrêtés pour faire boire le chien, ils ont les cheveux grisonnants et sont flanqués de leur adolescent qui parle sans s’arrêter, Pierre pose un regard attendri sur lui, leur petit dernier… et sans doute la dernière fois qu’il passera l’été avec eux.
Anna-Lou a oublié qu’elle portait toujours son bas de pyjama rose avec des licornes, ses parents l’ont posée endormie dans la voiture à 4h du matin, elle marche tout doucement, un café brûlant dans chaque main, « c’est moi qui les porte ! », en suivant de près sa maman.
Annie et Jérome sont les mieux lotis, ils savourent leur café dans leur Thermos, à l’arrière de la caravane, alors sur cette aire qui grouille de monde, c’est grand luxe.
Clope au bec, Rayane est tout sourire, son bébé dans les bras qui tourne la tête pour échapper à la fumée, pour lui les vacances ont commencé dès le départ de la maison, et ce petit café de la machine a un goût d’été qui arrive enfin, après une année de taf acharné au magasin.
Et puis il y a M. et S., ils ont fait une pause en plein milieu du podcast France Inter sur Riad Sattouf, elle a demandé un café au lait, pas une noisette hein ! Avec beaucoup de café et beaucoup de lait. La petite montre tous les chiens de l’aire en criant « chat » et le grand ne décroche pas de l’Equipe sauf pour demander à intervalles réguliers « et maintenant je peux l’avoir l’IPad ?! ». Alors eux, ils se sont transformés en darons y’a pas longtemps, ils savent pas vraiment quand. En fait, il y a eu un lent glissement, puis un jour ils ont acheté un coffre de toit et voilà. C’est bien pratique pour aller voir l’Atlantique. Et emporter leur paddle.
Les gobelets sont jetés, les mégots écrasés, les portières claquent. Bon allez on traîne pas, c’est pas tout ça, mais tout le monde a encore de la route.


août 10, 2021
C’est une des choses que j’aime dans les vacances : ces aires d’autoroutes tellement pleines de promesses <3 bravo pour ce beau texte qui capte fort bien ces instants de vie 🙂